L’histoire de Julia
Même si cette histoire a été totalement anonymisée, elle peut faire écho à quelqu’un que vous connaissez. Mais ce n’est pas Julia.
Hier, j’ai reçu Julia, 15 ans, qui vient pour avoir plus confiance en elle. Brièvement, sa mère signale du harcèlement scolaire en classe de 5ème, sous forme de moqueries et d’insultes. Les parents ont demandé au parrain de Julia, gendarme, de venir en uniforme chercher la jeune fille au collège et de mettre en garde les 2 élèves incriminés.
Cette intimidation a suffi. Fin de l’histoire, pour les parents du moins.
Une fois la mère de Julia en salle d’attente, je laisse la jeune fille revenir sur ces moments douloureux. Cette période de harcèlement scolaire a laissé une grande faille en elle. Elle m’explique depuis vivre en étant sur la défensive permanente.
« Comment réagir si une telle situation se reproduisait, me demande-t-elle? Je ne peux pas avoir un couteau sur moi en permanence! »
La jeune fille avait terminé sa scolarité au collège avec un couteau dans son sac… « Pas pour faire mal, m’a-t-elle assuré (et je la crois). Juste pour faire peur, ou blesser un tout petit peu. »
Cela vous fait frémir?… Moi aussi.
Conséquences du harcèlement
Il est avéré que vivre une situation de harcèlement (et quelque soit l’âge) altère la confiance en soi et amoindrit l’estime de soi. De nombreux adultes portent encore en eux les blessures d’un harcèlement à l’école.
Julia n’est plus en contact avec les élèves qui l’ont harcelée; pourtant, elle vit dans la peur. Peur que ça recommence, car elle ne sait pas comme se défendre face à une telle situation. Elle sait bien que le tonton gendarme impressionnera moins les plus grands et qu’il ne sera pas systématiquement présent pour intervenir.
Et c’est bien le problème bien des conseils prodigués aux enfants en cas de harcèlement: ils n’apprennent rien à l’enfant. Ignorer tout d’abord les moqueries, puis aller prévenir un adulte… L’enfant reste dans le rôle de victime passive et impuissante.
Prévenir un adulte a suffi sur le moment pour Julia. Dans bien des cas, c’est l’inverse qui se produit. Les enfants harceleurs redoublent de moqueries, face à cet enfant qui a ainsi exposé davantage sa vulnérabilité. Le harcèlement peut aussi s’intensifier par esprit de vengeance et déboucher parfois sur des escalades dramatiques.
Comment aider son enfant?
Une des choses les plus difficiles pour un parent qui voit son enfant souffrir est de se sentir impuissant. Alors, il intervient, décide, organise… Une telle réaction est normale et bénéfique dans la plupart des cas. Dans une situation de harcèlement, les conséquences d’une réactive instinctive et a priori logique peuvent être pernicieuses.
Il n’est évidemment pas question de dire que les parents doivent rester à l’écart! Leur rôle est d’apprendre à leur enfant à réagir par lui-même de manière efficace, de manière à reprendre le contrôle de la situation.
Une réaction des plus habiles est de se comporter comme si l’attaque n’avait aucun effet. A manquer la cible, le tireur va vite arrêter.
Aux moqueries (« tu es un bébé » / « tu n’as pas peur quand tu vois ta tête dans le miroir? »…), des phrases courtes désamorcent rapidement l’attaque: « Ah bon? » / « Tu trouves? »… Avec un peu d’entraînement (vraiment très peu), l’auto-dérision ou faire un compliment en retour sont des parades redoutables.
Cette posture est contre-intuitive, ce qui explique aussi son succès.
De plus, cette attitude est assurément transposable hors milieu scolaire (travail, rue…), ce qui en fait une ressource applicable tout au long de la vie, aussi bien par les enfants que les adultes.
Pour en savoir plus…
Pour approfondir le sujet, je vous recommande l’excellent livre du docteur Philippe Aïm: Harcèlement scolaire, le guide pratique pour aider nos enfants à s’en sortir. Il est facilement disponible dans votre librairie et en prêt à la bibliothèque du cabinet.
Vous pouvez aussi prendre rendez-vous pour une séance individuelle pour permettre à votre enfant d’apprendre à se sortir du harcèlement. Retrouvez les infos dédiées aux séances pour les enfants sur le site.
Et Julia?
Julia a été ravie d’apprendre à se défendre sans risque. Elle s’est entraîné durant une séance et se sentait prête à mettre en pratique tout ce qu’elle avait déjà découvert. Le travail sur la confiance en soi tel qu’imaginé par sa mère a été beaucoup plus rapide ensuite!